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Histoire : la naissance “légendaire” du jeu de Rugby en Angleterre

La Fédération célèbre cette année le 90ème anniversaire de sa création. Fort d’un glorieux passé, plus ou moins lointain, riche en événements marquants, et parfois tumultueux, nous vous proposons de revenir et découvrir neuf décennies d’Histoire(s) exceptionnelles. Au travers de documents, décrets, d’images et de vidéos uniques, nous retracerons les meilleurs moments du Rugby à XIII, autrefois connu sous le nom de “Jeu à XIII”… Mais commençons par un retour aux sources…

1823 : la naissance ‘légendaire’ du jeu de Rugby en Angleterre

Au début du XIXe siècle, les “public schools” anglaises élaborèrent diverses formes de jeu de balle sur grand terrain, en plein air. Le but était de parfaire l’éducation des fils de la société dominante et de canaliser ainsi les violences, voire les dérives comportementales de ces jeunes gens.  À cette époque, le terme très générique de “football” regroupait l’ensemble de ces pratiques, chaque école ayant ses propres règles. Mais il était communément admis que le ballon pouvait être joué au pied. Le contrôle à la main pour bloquer ou passer la balle pouvait être autorisé, mais seul le code du collège (université) de Rugby permettait de porter le ballonen main et de courir avec. Ces diverses pratiques ‘originelles’ subsistent encore aujourd’hui sous des formes diverses de « football », qu’ils soient américain, canadien, australien ou encore gaélique. Quant au football actuel, il fut le fruit d’une ‘association’ entre diverses pratiques pour en faire un code unique (création de la ‘FA’ – Football Association en 1863), mais les tenants du code de Rugby refusèrent d’abandonner la masculinité du plaquage et se fédérèrent en 1871 au sein de la ‘RFU’ – Rugby Football Union. Avec les deux rugbys que nous connaissons aujourd’hui, il existe donc à ce jour sept sports qui sont des « football ».

Le collège de Rugby et ses pratiquants – © Hanzono Rugby Museum

Selon la légende construite de toutes pièces par les tenants du rugby aristocratique, c’est en novembre 1823, au collège de Rugby, qu’un garçon nommé William Webb Ellis, pris d’un élan d’enthousiasme en jouant au « football tel que pratiqué à cette époque », se serait mis à courir vers le but de l’équipe adverse en tenant le ballon dans ses bras, transgressant ainsi la règle du moment. Ainsi, Webb Ellis aurait été le premier à réaliser ce geste conduisant à la création du rugby. Ce qui jette le doute sur cette ‘histoire’, c’est qu’il aurait fallu attendre plus de vingt ans pour voir sortir les toutes premières règles du rugby en 1845-46 ! En fait, la légende Webb Ellis sera ‘inventée’ par le Rugby aristocratique au moment de l’émergence du futur XIII (1895). En effet, par crainte de voir la concurrence venue de clubs issus de la classe modeste prendre le dessus dans les jeux de balle ovale, l’aristocratie du rugby a voulu se doter d’une antériorité universitaire dont son adversaire ne pourrait pas se prévaloir. Webb Ellis, qui a bien existé, est ainsi instrumentalisé bien après sa mort (1872) par un écrit (mentionnant son geste) daté de 1876 et exhumé en… 1895, ce dont Webb Ellis ne pouvait donc plus témoigner… Curieusement, Webb Ellis n’avait jamais été mentionné dans aucun écrit rugbystique, ni journalistique, depuis près de trois-quarts de siècle et il sort de nulle part en…1895 !

Les pratiques du football et du rugby ne tardèrent pas à traverser la Manche pour se développer en France au début des années 1870, dans les villes portuaires où les Anglais, souvent en transit, travaillaient pour des filiales d’entreprises britanniques. À cette époque, le sport se jouait en amateur et les classes supérieures qui le pratiquaient voulaient en garder l’exclusivité en imposant la barrière de l’argent aux classes modestes qui ne demandaient pourtant qu’à y accéder. En effet, ces dernières s’étaient bien rendu compte que le terrain de sport était le seul d’une égalité possible entre les classes sociales, à 11 contre 11 ou 15 contre 15. Pour éviter la suprématie ouvrière sur le sport, les classes supérieures firent tout pour l’empêcher. Mais au fur et à mesure des conquêtes sociales (notamment de la réduction du temps de travail hebdomadaire, passant de 60 à 56h30, libérant ainsi le samedi après-midi), les ouvriers ‘entrèrent en sport’. La FA réagit rapidement pour garder le contrôle de la gestion du jeu en acceptant un professionnalisme fortement encadré, dès 1885, où le joueur était soumis à une forte inféodation (salaire imposé, mutation uniquement sur accord du président de club, interdiction de représenter l’Angleterre – jusqu’en 1921…). Face à cette ‘capitulation’ de la FA, la RFU décida en… 1886 qu’elle serait « le dernier bastion » de l’amateurisme, refusant de ce fait tout compromis qui permettrait l’accès des classes modestes à ‘son rugby’… Quitte à user de la plus malsaine des hypocrisies pour y parvenir !

1895 : l’émergence d’un rugby moderne à Huddersfield

Confrontées à ce strict amateurisme officiel, les classes modestes se retrouvèrent donc face à un choix cornélien pour pratiquer le rugby car le temps passé à s’entraîner ou à se déplacer pour les matchs devait être décompté du salaire. Ce qui fut vite intenable pour le monde ouvrier. Les joueurs ne pouvaient plus prendre sur leur temps de travail pour jouer et représenter leurs clubs, souvent présidés, d’ailleurs, dans le Nord par des chefs d’entreprise, également employeurs des joueurs. Le rugby n’échappa donc pas à “l’amateurisme marron” (rémunération occulte des amateurs dans le sport) pour permettre aux ouvriers de pouvoir rivaliser avec des sudistes aux plus modelables emplois du temps ! La RFU le condamne et s’y oppose fermement. Face à cette intransigeance d’exclusion sociale (vote de 1893), les clubs du nord de l’Angleterre décident de faire sécession.

Le 29 août 1895, au George Hotel de Huddersfield (gare médiane sur le trajet Liverpool – Hull), les grands clubs du Lancashire et du Yorkshire se réunissent et votent leur séparation d’avec la RFU pour créer leur propre Northern Rugby Football Union, constituée dans un tout premier temps de ces 22 clubs sécessionistes. La NRFU sera alors perçue comme une « Ligue » professionnelle par l’orthodoxie rugbystique du Sud, siège des pouvoirs aristocratiques britanniques.

Indemnisés de leur perte de salaires (le manque à gagner), les ‘nordistes’ continuent de pratiquer le jeu d’origine, mais profitent de leur indépendance pour y apporter des modifications constantes (déjà envisagées au sein de la RFU) et ce jusqu’au début du XXe siècle où la pratique va voir non seulement disparaitre deux joueurs (les troisième-ligne ailes, chargés au XV de neutraliser le départ de l’attaque adverse sur mêlée), mais surtout voir l’émergence de ce fameux ‘tenu’ – identitaire du XIII – visant à remettre la balle en jeu après placage par cette mini-mêlée réduite à deux talonneurs pour gagner en temps de jeu et en sécurité pour la santé des joueurs. C’est le trait de génie du XIII, réglant ainsi tous les problèmes du jeu au sol… que le XV n’est toujours pas, à ce jour – bien plus d’un siècle après, en mesure d’avoir résolu. Cette nouvelle règle du tenu, instaurée dans le but de rendre le rugby plus spectaculaire, va faire des émules. Nous sommes en 1906 : Le Rugby à XIII vient de naître en Angleterre.

En 1922, cette “Union du Nord” deviendra la Rugby Football League (RFL), cela à la demande des Australiens en tournée qui souhaitaient toujours aider les Anglais à exporter le jeu en France, donc bien au Sud de l’Angleterre, sans compter que les deux dominions treizistes des antipodes étaient eux aussi bien au Sud ! Mais, le match de démonstration qui devait avoir lieu à Paris en 1921 entre l’Angleterre et l’Australie fut empêché d’avoir lieu par la FFR XV, laquelle fit jouer tous ses ‘lobbies’ pour qu’aucun stade parisien ne puisse accueillir cette démonstration. En effet, le secrétaire international de cette FFR XV était un Britannique qui connaissait donc fort bien le pouvoir de séduction du XIII sur le public : il craignait – à juste titre – qu’une telle démonstration du jeu treiziste ne détournât définitivement le public français de l’ovale vers cet autre rugby !

1907 : expansion du XIII dans l’Empire britannique

À partir de 1907, la pratique du rugby à XIII s’était étendue à la Nouvelle-Zélande et à l’Australie. En France, sans concurrence, le XV reste maître jusqu’en 1930, année qui voit une scission s’opérer au sein même de la FFR XV entre tenants d’un amateurisme officiel (bien que de façade) et les partisans d’une évolution vers un modernisme, favorables à la rémunération au grand jour des joueurs d’élite en vue d’améliorer le spectacle rugbystique, alors jugé bien trop statique.

Cette scission, et le désordre fédéral qui s’en suivra, amènera la rupture de toute relation avec les Britanniques en 1931, y compris avec l’exclusion du XV de France du Tournoi des V nations. Sommés de faire le ménage au sein de leur fédération, les dirigeants quinzistes français procèdent à des radiations, cependant bien ciblées, de certains joueurs : on frappera en priorité les petits clubs qui faisaient alors de l’ombre aux grands en débauchant leurs meilleurs joueurs, bousculant ainsi une hiérarchie de notables bien établis. Jean Galia, alors considéré comme le meilleur seconde ligne d’Europe, fera partie de la cohorte des radiés du XV pour professionnalisme. Les autres fédérations ayant été solidaires de la FFR XV, les radiés furent également exclus de tout sport amateur. Le Rugby à XIII sera donc la solution idéale de repli pour que ces joueurs de haut niveau puissent continuer leur carrière rugbystique. Cette agitation mit le monde français de l’Ovale en ébullition…

Prochain chapitre : 1934, les Pionniers du Rugby à XIII

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