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(RE)DEVENIR DES ATHLETES

Pour la première fois, les nouveaux entrants à l’Insep vont subir une batterie de tests inédits. Un protocole auquel 75 % des pôles ont choisi de soumettre tous leurs athlètes après deux mois de confinement.

Ça s’active au cœur de la halle Maigrot. Pas encore sur la piste, mais dès lors que l’on plonge dans l’ancien vélodrome de l’Insep qui a, depuis plusieurs mois déjà, été investi par la cellule réathlétisation. Ce jour-là, on y croise des haltérophiles, des pongistes, des trampolinistes, premiers d’une longue liste à se prêter au jeu d’un protocole inédit. Ils sont bardés de leur masque, respectent les gestes barrières, mais enchaînent surtout différents ateliers, accompagnés de préparateurs physiques maison.

« Pendant le confinement, on a travaillé avec le pôle médical et le laboratoire de recherche, explique Thierry Dumaine, responsable de l’unité de l’accompagnement à la performance. L’idée est de classer les athlètes en quatre catégories pour essayer de donner des préconisations très précises à leurs coaches, en fonction de leur vécu de ces deux mois. Parce qu’aujourd’hui, la grosse inconnue, c’est de savoir comment remettre en marche le système neuro-tendineux. »

L’avantage de l’institut parisien niché dans le bois de Vincennes, c’est qu’il regorge de ressources. Au-delà des techniciens, il abrite des chercheurs en sociologie, en nutrition, en biomécanique, en neurosciences… Autant de spécialistes qui ont convergé pour envisager au mieux la reprise sportive des champions bleus. Ils n’ont pas qu’épluché la littérature, ils ont établi une batterie de tests pour éclairer cette situation. « On a élargi avec un questionnaire psychologique lié au Covid-19, précise Thierry Dumaine. On évalue l’anxiété de l’athlète à la reprise, sa motivation aussi, les croyances et les intentions à reprendre l’entraînement et la compétition, ou s’ils ont vécu des situations stressantes. Il ne faut pas occulter la composante mentale. Elle est intégrée dans nos processus de retour après une blessure et, du coup, on l’a adaptée au confinement. »

Les entraîneurs de l’Insep ont établi toute une batterie de tests pour aider et accompagner les sportifs – ci-dessus et ci-contre l’haltérophile Anaïs Michel – dans leur programme de réathlétisation au sortir de deux mois de confinement.

Une manière également de réunir des données scientifiques, alors que diverses études liées à la crise sanitaire mondiale du coronavirus ont été lancées tout autour de la planète, de balayer les conditions sociales, psychologiques, d’entraînement, de relation avec les coaches, pour capitaliser l’expérience et pouvoir, le cas échéant d’un éventuel prochain confinement, mieux le préparer.

Pour effectuer une photographie à 360° de l’athlète, en individualisant son évaluation, une première phase préconise des tests posturaux et physiques en dessous du seuil maximal de VMA (vitesse maximale aérobie). Une remise en route du système musculo-tendineux sur quatre à six semaines à base de gainage, proprioception, course droite… Puis il y aura d’autres tests énergétiques et, enfin, une dernière phase sur les tests de force-puissance.

“J’en ai marre de voir que les jeunes sportifs ne sont plus équipés en termes de mobilité ou de force. Et c’est un constat qui date de bien avant le Covid”

CHRISTOPHE KELLER, PRÉPARATEUR PHYSIQUE

Une progressivité nécessaire dès lors qu’on ne mesure pas bien les conséquences sur le système cardiaque. « Ces premiers tests posturaux, dits profils psychomoteurs dynamiques, nous offrent l’occasion de créer un nouveau lien avec les staffs, apprécie Thierry Dumaine. Mais, si le bilan médical était obligatoire pour la reprise à l’Insep, ce protocole ne l’est pas. » Du moins pour les athlètes confirmés, même si 75 % des pôles ont sollicité ce service du pôle de réathlétisation. En revanche, il le devient pour les nouveaux entrants. Une bataille que Christophe Keller mène depuis une quinzaine d’années. Basé à Antibes, ce préparateur physique a initié les tests, les a présentés à l’ensemble du réseau grand Insep (RGI) qui comprend aussi les Creps. Il a formé des spécialistes et tenté de convaincre sur l’intérêt de ce profilage dynamique. « Il peut y avoir des déséquilibres musculo-tendineux, des problématiques de mobilité chez un jeune athlète, dit-il. On peut alors conseiller une athlétisation préventive, une réathlétisation, parfois des soins. » Et de citer ce chiffre hallucinant : sur l’ensemble du territoire, toutes disciplines confondues, ce sont 85 % des nouveaux arrivants dans une structure qui se sont blessés l’année dernière. « J’en ai marre de voir que les jeunes sportifs ne sont plus équipés en termes de mobilité ou de force, s’agacet-il. Et c’est un constat qui date de bien avant le Covid. Nos sportifs ne marchent plus, ils se déplacent en over-board, en trottinette électrique, prennent les transports en commun. Ils n’ont pas ou peu de mobilité des chevilles, du bassin, présentent des déséquilibres au niveau de la ceinture scapulaire, du plancher pelvien, des quadriceps… Ça ne sert à rien de commencer la préparation physique avec de nouveaux athlètes alors qu’ils ne sont même pas équipés à s’entraîner. »

 

C’est dans le strict respect des gestes barrières que les sportifs ont entamé leur programme de réathlétisation dans l’enceinte de la halle Maigrot à l’Insep, dans le bois de Vincennes.

D’où ce protocole qui doit aider à gommer ce danger. Bien au-delà de l’épisode du virus. « Il faut savoir que 95 % des médaillés de Rio n’avaient pas eu de blessure l’année précédant les Jeux, pointe Thierry Dumaine. Cette période post-confinement offre peut-être l’opportunité aux athlètes de revenir, de redécouvrir le plaisir de s’entraîner sans douleur. »

Ce qui ferait du bien aux têtes de beaucoup.

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